by Abdourahman Mohamed Guelleh, "TX"July 04, 2023
Depuis le 2 juillet et jusqu'à ce 4 juillet 2023, la police a perquisitionné plusieurs domiciles de militants pro-démocratie à Djibouti, pays hautement géostratégique de la Corne de l'Afrique où les plus grandes puissances mondiales se disputent l'influence—chacune avec leurs bases militaires respectives.
À l'heure où nous écrivons ces lignes, sept militants, dont quatre femmes, ont été arrêtés et le secrétaire général du RADDE (Rassemblement pour l'Action, la Démocratie et le Développement Ecologique) est en détention. La police est toujours à la recherche d'autres personnes.
Le motif de leur arrestation était l'usurpation de l'identité des uniformes des militaires, des policiers, de la garde républicaine dans le cadre d'une récente campagne non-violente menée par le RADDE. La stratégie de cette campagne comportait deux volets. Tout d'abord, elle visait à attirer l'attention sur la corruption, la mauvaise gouvernance et l'injustice économique. En même temps, nous avons conçu la campagne de manière à passer à l'offensive et à essayer d'arracher le soutien du régime à ses piliers clés : l'armée et la police. Comment ? En exigeant des salaires plus élevés pour les travailleurs du gouvernement (y compris les militaires et les policiers) face à un coût de la vie élevé et à une corruption et une mauvaise gestion paralysantes du gouvernement.
La campagne non violente s'est déroulée du 30 avril au 27 juin, sa fin coïncidant avec la fête de l'indépendance et la fête du sacrifice (Eid al-Adha), des jours fériés national. Nous avons choisi de faire croire à un défilé militaire, avec des militants habillés en uniformes militaires et policiers chantant une chanson adressée au régime d'Ismail Omar Guelleh pour qu'il cesse de détourner de l'argent et qu'il augmente les salaires. Nos militants ont transformé un chant militaire agressif en un chant de revendications "militaires", en chantant : "Nous exigeons du président une augmentation de salaire car nos bas salaires ne suffisent plus" et "Augmentez les salaires ou reprenez-les sur votre compte" chantaient les militants . La campagne a également, au cours de son exécution depuis le 30 avril, comporté des chants, des danses, des sketches, des poèmes et des discours.
Nous savons que de nombreux membres de l'armée djiboutienne estiment qu'ils sont sous-payés, mais pour autant que nous le sachions, aucun soldat n'a encore manifesté son mécontentement face à cette injustice. Nous avons vu là une occasion stratégique de tendre la main et de consolider nos efforts de fraternisation de longue date avec ces piliers du régime.
C'est précisément l'usurpation d'identité, à travers le port d'uniformes officiels, qui a provoqué l'ire du régime. Ces derniers—et tout le monde à Djibouti—ont bien vu que certains responsables militaires soutiennent le mouvement contre le régime.
Voir ici et ici pour regarder des vidéos capturées pendant la campagne ainsi que les efforts ultérieurs du RADDE pour faire en sorte que la répression se retourne contre elle.
Bien que l'arrestation de nos activistes représente une répression, nous avons des raisons de croire que la répression n'est pas à son maximum. Comment la police et l'armée pourraient-elles suivre les ordres de répression à grande échelle alors que ceux qu'elles étaient censées arrêter défendaient en fait l'augmentation des salaires des militaires et des policiers ? Notre campagne avait l'avantage de consolider ce pont pour les défections potentielles futures, tout en attirant l'attention sur les valeurs fondamentales de la lutte contre l'autoritarisme, la corruption et la mauvaise gouvernance.
Après avoir appris la triste nouvelle de l'arrestation de mes collègues activistes, j'ai été informé que j'allais être arrêté à mon tour très bientôt. La prison ne me fait pas peur. J'y suis passé déjà durant quatre mois. Je sais que dans le régime et dans le système, il y a deux groupes : certains veulent un changement et un autre non.
Et même deux policiers en civil se sont en effet présentés chez moi dimanche soir dans leurs recherches des militants. Sans ouvrir la porte, j'ai demandé qui ils étaient. Ils m'ont répondu que c'était "la police" et qu'ils voulaient trouver chez moi un militant recherché. Lorsque j'ai répondu que l'activiste n'était pas avec moi, les policiers sont partis.
Notre but est de fraterniser avec la police, les forces de sécurité et des représentants du gouvernement pour éviter dans notre pays un scénario à la soudanaise et du chaos. Sans les forces de sécurité, notre transition ne serait pas douce. Nous pensons dans notre stratégie à une transition stable. Notre avons déjà beaucoup des sympathisants dans les forces de sécurité puisqu'ils sont partie des segments de la population. Nous ne recherchons ni un coup d'état ni une prise du pouvoir par la force. La consolidation de la paix passe par des efforts stratégiques.
Par la résistance civile non-violente, le RADDE lutte contre un régime autoritaire, sécuritaire et de dynastie familiale. Nos objectifs sont d'établir une société libre, juste et démocratique, et de consolider une paix durable dans la République de Djibouti, en proie à l'instabilité et connue pour ses conflits violents. L'éducation, la formation, la planification, le respect de la discipline non-violente, l'unité, les actions dilemmes joyeuses et humoristiques constituent la base de notre résistance non-violente.
Pour le régime djiboutien, le RADDE est une source d'inquiétude et nous n'avons cessé de monter en puissance depuis notre création en tant que mouvement en 2018. En janvier 2022, le président djiboutien m'a menacé de torture, de mort et de disparition lors d'une conversation téléphonique avec son puissant et redouté chef de la police. L'enregistrement de la conversation a été divulgué sur les médias sociaux et couvert par les médias internationaux.
Le RADDE a utilisé des tactiques de "backfire" (effet boomerang) qui ont précipité la chute surprise et l'emprisonnement du puissant chef de la police.
Au RADDE, la discipline non-violente est de rigueur et nos militants, anciens et nouveaux, sont régulièrement formés à cette stratégie. L'année dernière déjà, certains de nos militants ont été arrêtés et détenus pour avoir exécuté une danse folklorique et organisé un sit-in devant l'Assemblée nationale de Djibouti.
Quelle que soit la forme de répression subie, le RADDE continuera à utiliser l'action non-violente dans sa lutte contre la dictature à Djibouti. Le RADDE appelle la communauté internationale à user de son influence pour faire cesser la violation des droits des militants non-violents à Djibouti.
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La rédactrice en chef de Minds of the Movement, Amber French, a largement contribué à la rédaction de cet article, en rassemblant les messages qu'Abdourahman lui a envoyés pour la tenir informée de la répression.
Abdourahman Mohamed Guelleh, “TX,” is the founding leader of Djibouti’s Rassemblement pour l’action, la démocratie et le développement écologique (RADDE, Rally for Action, Democracy and Ecological Development). The former mayor of Djibouti, TX abandoned politics in 2018 to advance Djibouti’s pro-democracy movement through grassroots organizing. He is an alum of the Solidarity 2020 and Beyond’s International Activists Convening, held in Kathmandu, Nepal in 2023.
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