by Feza ElianeApril 02, 2024
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Ben Kamuntu fait partie de la génération des jeunes Congolais nés pendant la guerre et n’ayant jamais connu la paix. Dès le bas âge, il a dû supporter la mort de ses proches, le pillage des biens de sa famille ainsi que le déplacement du fait de la guerre. Devenu adulte, Ben Kamuntu intègre le mouvement citoyen non violent Lutte pour le changement (LUCHA) afin de pousser les autorités congolaises et la communauté internationale à promouvoir la paix, la justice et la liberté en République Démocratique du Congo (RDC).
Cet engagement lui a valu plusieurs mois de prison. Au lieu d’abandonner, Ben Kamuntu a mis son talent d’artiste au service du combat pour la paix et la justice en RDC. Dans cet article, Ben nous a fait l’honneur de répondre directement à nos questions qui touche sa motivation derrière le clip Bosembo, qui, à plus de 15 000 vues sur YouTube depuis sa sortie en mars 2021, a déclenché une transformation sociale notable en RDC.
Signifiant justice en lingala, le terme bosembo met l’accent sur le sort des millions des Congolais victimes de la guerre en RDC. Cet œuvre relate les différents crimes graves commis en RDC et dénonce l’impunité dont jouissent leurs auteurs. L’artiste inspire de son expérience personnelle de jeune du Kivu mais aussi et surtout du rapport mapping de l’ONU qui répertorié les crimes graves commis en RDC entre 1993 et 2003.
« Tant qu’il n’y aura pas de paix et de justice dans l’Est de la RDC, les âmes de tous ces Congolais décédés continueront à souffrir », rappelle-t-il. Bien qu’enveloppés dans les linceuls parfois dans l’oubli total, les millions de morts en RDC bougent et grondent en quête de justice. Bosembo n’est pas seulement une chanson de Ben Kamuntu. Bosembo, c’est un cri poussé par les victimes mortes et les survivants humiliés des guerres en RDC pour exiger justice pour les crimes graves commis en RDC, à travers notamment la création d’un tribunal pénal international sur la RDC.
Ben Kamuntu : En tant qu'artiste j'ai voulu amener une dimension d'interrogation à travers l'art, les images, une chorégraphie et la poésie pour parler de la nécessité d'une justice comme en gage de paix, parce qu'on se dit qu'on a déjà essayé tous les moyens militaires […] mais ça n'a pas marché. Personnellement je pense que c'est important de parler de cette thématique-là et que le chemin de la justice est vraiment celui qui nous ramène à la paix.
B : Je n'ai pas fait une enquête pour démontrer que le changement est bien palpable grâce à la vidéo. [Je suis] un artiste qui a essayé de bousculer. Je pense que comme il y a eu plus de 15 000 personnes qui ont suivi cette œuvre sur les réseaux, dont 2 000 qui ont été bénéficiaires [de mes ateliers] dans des universités, je pense que j'ai contribué à cette lutte de paix de ma manière.
Je n’ai pas fait le suivi pour la question de trouver une cour internationale de Justice pour le Congo. Mais je pense que le chemin est encore long et moi en tant qu’artiste j'essaie d'entretenir certaines utopies folles, surtout celui de paix dans une région des conflits où je n'ai jamais vu la paix. Moi en tant qu'artiste j'ai cette mission d'entretenir ce rêve, d’interpeller, s'interroger et de voir si les gens peuvent se mobiliser pour cette cause.
L’artiste Ben Kamuntu est convaincu que la paix, la justice, la réconciliation et la réparation des dommages causés sont possibles en RDC. Cependant, il est important que le combat pour la paix soit porté par un plus grand nombre pour qu’il aboutisse. A ce titre, l’artiste a organisé plusieurs ateliers dans différentes universités et écoles secondaires du pays pour promouvoir le clip Bosembo. Ces ateliers ont notamment été un moment de sensibilisation sur les crimes graves commis en RDC et le besoin de justice pour la construction d’une paix durable au pays.
Près de trois ans après la sortie de Bosembo, le plaidoyer pour la paix et la justice en RDC que porte ce clip est toujours sans écho favorable auprès des autorités congolaises et des instances de l’ONU. Cependant, la lutte pour la promotion de la paix et la justice à travers l’art fait écho auprès de la jeunesse de Goma, la principale ville de l’Est du pays. Grace au collectif Goma Slam Session que Ben Kamuntu a initié avec d’autres artistes en 2013, des dizaines de slameurs et rappeurs de la ville de Goma usent de la force de leurs mots pour dénoncer les maux qu’ils vivent.
Le collectif développe plusieurs autres programmes comme le slamo-thérapie enseigné dans les centres sociaux pour soigner les blessures morales des victimes de la guerre. Des programmes d’initiation au slam-poésie sont également mis en œuvre en direction spécifiquement des élèves (slam à l’école), des femmes (slam-féminin), des enfants de bas âge (slam-elikya) et de toute personne intéressée (slam-academia).
Mon analyse personnelle sur le slam est qu’il est un outil important de communication dans notre communauté. Après la découverte du slam et sa migration vers les pays africains et en particulier en RDC, ce dernier n'a pas demeuré une discipline artistique normale servant uniquement de divertissement. C’est un moyen de résistance et de résilience face à l'oppression, une arme de lutte pacifique contre la violence.
Mais au fond il y a l'espoir qui bat dans ce corps souillé et c'est le SLAM. Le slam édifie d'abord l'artiste, le fortifie, joue le rôle d'une thérapie individuelle en pansant les plaies profondes causées par les injustices et l'oppression. Le slam est un médium, un dénominateur commun entre l'artiste et le public, car ce dernier a déjà pris de l’ampleur dans les écoles, les universités, les rues, les salles de conférence dans l'objectif de soigner et éduquer les masses, les inviter à changer et s'engager pour les causes nobles.
La RDC est connue pour sa très populaire rumba inscrite désormais au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Mais dans une région en guerre comme le Kivu, des genres artistiques qui abordent le quotidien et permettent de donner la parole aux citoyens deviennent de plus en plus populaires. Bosembo s’inscrit dans cette logique et Goma Slam Session se veut un espace pour le pérenniser.
Eliane Feza was born in Goma, in the province of Nord-Kivu in eastern Democratic Republic of Congo. Trained as a lawyer with a master’s degree in criminal law, she is a slam artist with the Goma slam session collective, and a trainer in slam therapy and women’s slam. She is also a blogger, women’s and children’s rights activist and environmental activist.
Eliane Feza est née à Goma dans la province du Nord-Kivu à l’Est de la République Démocratique du Congo. Juriste de formation, master en droit pénal, artiste slameuse dans le collectif Goma slam session, formatrice en slamothérapie et slam-féminin, elle est également blogueuse, activiste de droits de la femme et de l’enfant, et activiste environnementale,
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